samedi 1 août 2015

Critique : Green Room, de Jeremy Saulnier

Green Room

De Jeremy Saulnier
Écrit par Jeremy Saulnier
Avec Anton Yelchin, Imogen Poots, Patrick Stewart, Alia Shawkat, Callum Turner, Joe Cole, Macon Blair, Mark Webber...
2015

Sortie cinéma française : inconnue
Sortie vidéo française : inconnue








Jeremy Saulnier est désormais un habitué de la Quinzaine des réalisateurs de Cannes. Après la présentation de Blue Ruin il y a deux ans, en 2013, c'était au tour de son tout nouveau film, Green Room, d'être présenté. Le film de genre a sa place à Cannes, et Jeremy Saulnier s'impose avec classe et talent dans le genre, avec des projets excitants que l'on attend à chaque fois avec impatience.

À l'origine directeur de la photographie (Putty Hill, I Used to Be Darker), Jeremy Saulnier passait pour la première fois du côté de la réalisation avec Murder Party (2007), une comédie horrifique savoureuse en huis-clos, qui n'a pas connu de sortie en France. En 2013, il prenait le grand air avec l'excellent Blue Ruin, filmant une âme perdu dans de grands espaces naturels. Aujourd'hui, Jeremy Saulnier, fier de son précédent succès, revient en grande forme et s'impose comme l'un des jeunes réalisateurs les plus intéressants du moment, un moment qui pourrait durer.

Avec Green Room, présenté lors de la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, Saulnier renoue avec le huis-clos. Alors que le héros de Blue Ruin est prisonnier de la nature, ici les personnages sont prisonniers d'un espace clos. Mais si le réalisateur varie sur la forme, la même volonté de réalisme demeure. En trois films, le réalisateur américain a déjà imposé son style : confronter ses personnages à des situations qui les dépassent, et montrer comment ils vont - tenter de - s'en sortir. Un homme pris en otage lors d'une fête d'Halloween par des maniaques underground dans Murder Party, un homme endeuillé dans une quête de vengeance maladroite dans Blue Ruin et un groupe de jeunes punks gentillets aux mains de Skinheads peu sympathiques dans Green Room.


Saulnier met en scène un réalisme dans lequel règne l'imprévu - les longs préparatifs de siège dans Blue Ruin qui finalement n'aboutissent à rien, les attaques précipitées de Green Room. Un réalisme qui confère une tension à couper au couteau et qui surprend le spectateur par le hasard des situations. De plus, Saulnier a la brillante habitude de présenter l'amateurisme des personnages qui ne gèrent pas du tout ces mêmes situations, autant du côté des "gentils", les jeunes punks, que des "méchants", les Skinheads. Chez les gentils comme chez les méchants le sang jaillit et les fusils s'enrayent. Macon Blair apparaît dans chacun des films du réalisateur, et transparaît à travers son jeu et même son physique l'expression d'une certaine anxiété, faisant ainsi de ses personnages des êtres ambigus, que ce soit en SDF dans Blue Ruin ou en Skinhead dans Green Room, dans lesquels il excelle. Macon Blair est un rouage essentiel des films de Saulnier. La dimension réaliste et humaine de ces films rend ces derniers d'autant plus angoissants.

Plus que Blue Ruin, Green Room est un pur film de genre assumé. Si Saulnier ne cède pas au simple survival gore, il ne sombre pas pour autant dans une sorte de cinéma d'auteur prétentieux et moralisateur. Tout en s'inscrivant dans une vague de films américains indépendants, il parvient à faire un film à suspens plein d'intelligence, non sans humour grinçant parfois, et punk dans l'ensemble, avec une certaine énergie jouissive jusqu'à un final catharsistique en retour à la situation folle à laquelle les protagonistes étaient confrontés jusque-là. On s'identifie si facilement aux personnages que leur appréhension du danger et la peur de la mort en deviennent palpables. Anton Yelchin (Star Trek, Alpha Dog), dont le physique ressemble étrangement à celui de Saulnier - ce dernier n'a-t-il pas confessé qu'avec ce film, il évoquait une part de sa jeunesse ?-, Imogen Poots (Centurion, Broadway Therapy), qui se retrouvent après Fright Night, ou encore Joe Cole (Skins, Peaky Blinders) en pro du Ju-jitsu sont attachants, face à un groupe de Skinheads dirigés par le fameux Patrick Stewart (Star Trek, X-Men), qui va à l'encontre de la caricature du leader brutal et terrifiant.


Le bleu de Blue Ruin est la couleur de la mélancolie qui renvoie au passé du héros et le vert est la couleur apaisante de la nature et du champ de maïs qui ouvre Green Room, mais aussi le symbole de l'instabilité et de la mort...

Jeremy Saulnier signe un excellent film de genre, généreux et modeste, et s'affirme avec une carrière pour l'instant sans fautes. On croit en lui, en son talent, en son style singulier, tout comme on croit en Macon Blair et au reste du jeune casting. Green Room est une révélation qui, bien qu'elle réponde aux attentes d'un fan de films de genre, nous surprend et nous revitalise. Un grand moment de suspens, et bien plus encore, de cinéma.

The Ain't Rights qui interprètent leur chanson "Nazi punks, fuck off!"
devant une foule de Skinheads...

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